Pourquoi un « croque-mort » porte-t-il ce nom énigmatique?

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Le « croque-mort » est une figure emblématique et mystérieuse qui a traversé les siècles et les cultures, suscitant curiosité et fascination.

Mais pourquoi ce métier, qui consiste à prendre en charge les défunts et à les préparer pour leurs funérailles, porte-t-il ce nom étonnant?

Nous tenterons de percer le mystère et de retracer l’origine et l’évolution de cette appellation singulière, en nous plongeant dans l’histoire, la linguistique et les croyances populaires.

L’étymologie du terme « croque-mort »

Avant d’explorer les raisons pour lesquelles un « croque-mort » s’appelle ainsi, il convient d’étudier l’étymologie du terme. Le mot « croque-mort » est en réalité une expression composée de deux éléments:

  1. Le verbe « croquer », qui signifie « mordre avec force » ou « broyer avec les dents ». Ce verbe est couramment utilisé dans la langue française pour décrire l’action de manger quelque chose de croquant, comme une pomme ou un morceau de pain.
  2. Le substantif « mort », qui désigne une personne décédée. Ce terme est dérivé du latin « mors » et est commun à de nombreuses langues romanes.

Ainsi, l’expression « croque-mort » pourrait littéralement être traduite par « celui qui mord les morts » ou « celui qui croque les morts ». Cette définition peut paraître surprenante et même macabre, mais elle trouve son explication dans les croyances et les pratiques funéraires de l’époque médiévale.

Les origines historiques et culturelles du « croque-mort »

Le métier de croque-mort est né au Moyen-âge, dans un contexte où la mort était omniprésente et où les rites funéraires étaient empreints de superstitions et de craintes. Pour comprendre l’appellation « croque-mort », il faut donc se replonger dans les croyances et les coutumes de cette époque lointaine.

La peur de la catalepsie et des morts-vivants

Au Moyen-âge, la médecine était encore très rudimentaire et il était parfois difficile de distinguer un mort d’un vivant en état de catalepsie. La catalepsie est un état de raideur et d’immobilité totale, souvent accompagné d’une absence apparente de respiration et de battements cardiaques. Les personnes atteintes de catalepsie pouvaient ainsi être prises pour mortes et être enterrées vivantes par erreur. Cette crainte était d’autant plus forte que les légendes populaires regorgeaient de récits de morts-vivants, de vampires et de revenants.

Le rôle du croque-mort dans les funérailles médiévales

Face à cette peur de la catalepsie et des morts-vivants, le croque-mort était chargé d’accomplir une tâche cruciale: s’assurer que le défunt était bien mort avant de procéder à son enterrement. Pour ce faire, le croque-mort avait recours à une méthode radicale et douloureuse: il mordait violemment le gros orteil du défunt, dans l’espoir de provoquer une réaction chez celui-ci. Si le « mort » se réveillait en sursaut et en criant de douleur, cela signifiait qu’il était en réalité vivant et qu’il avait échappé in extremis à une inhumation prématurée. Dans le cas contraire, le croque-mort pouvait procéder à l’enterrement en toute quiétude.

C’est donc cette pratique pour le moins étrange et choquante qui est à l’origine du nom « croque-mort ». En mordant les morts pour s’assurer de leur décès, le croque-mort devenait littéralement « celui qui croque les morts ».

Le « croque-mort » à travers les siècles: évolution et survivance d’une appellation

Si l’appellation « croque-mort » trouve son origine au Moyen-âge, elle a perduré jusqu’à nos jours, bien que le métier et les pratiques funéraires aient connu de profondes transformations.

Le « croque-mort » à l’époque moderne

A partir du XVIIe siècle, les progrès de la médecine et l’abandon progressif des superstitions ont rendu obsolète la pratique consistant à mordre les morts pour s’assurer de leur décès. Le croque-mort a alors vu son rôle évoluer: il est devenu un employé des pompes funèbres, chargé d’organiser et de superviser les funérailles. Malgré ces changements, le terme « croque-mort » est resté ancré dans la mémoire collective et dans la langue française, en tant que synonyme de « fossoyeur » ou « d’employé des pompes funèbres ».

Le « croque-mort » dans la littérature et la culture populaire

Le « croque-mort » a connu une certaine postérité dans la littérature et la culture populaire, où il apparaît souvent comme un personnage sombre, inquiétant et mystérieux. L’écrivain français Honoré de Balzac, par exemple, a consacré un roman entier à cette figure emblématique, intitulé « Le Faiseur de cadavres ou le Croque-mort ». Dans ce récit, le protagoniste, un croque-mort nommé Brice, est hanté par les morts qu’il a lui-même enterrés et cherche à expier ses fautes passées.

Au cinéma, le « croque-mort » est souvent représenté comme un homme vêtu de noir, au visage blafard et aux mains gantées, qui inspire la crainte et la répulsion. Un exemple célèbre est le personnage de l’Undertaker (ou « croque-mort » en français) interprété par Clint Eastwood dans le film « Pour une poignée de dollars ». Cette image caricaturale du croque-mort, véhiculée par la littérature et le cinéma, a largement contribué à entretenir l’aura de mystère et de fascination qui entoure encore aujourd’hui ce métier.

De la réalité à la légende: le passage du « croque-mort » au « croque-mitaine »

Enfin, il est intéressant de noter que l’appellation « croque-mort » a donné naissance à une autre expression, tout aussi célèbre et énigmatique: le « croque-mitaine ».

L’origine du « croque-mitaine »

Le « croque-mitaine » est un personnage imaginaire et effrayant, souvent utilisé par les parents pour effrayer les enfants et les dissuader de se livrer à des actions interdites ou dangereuses. Le terme « mitaine » fait référence aux gants que porte le « croque-mitaine », qui lui permettent de se saisir des enfants désobéissants sans laisser de traces.

Le « croque-mitaine » puise ses racines dans la figure du « croque-mort », dont il reprend certains attributs tels que le visage blême, les mains gantées et la propension à mordre ses victimes. La légende du « croque-mitaine » s’est répandue dans de nombreux pays et cultures, sous des formes et des appellations diverses, mais elle reste étroitement liée à l’image du croque-mort et à sa fonction originelle de « mordeur de morts ».

Les survivances du « croque-mort » dans les croyances et les expressions populaires

Le « croque-mort » et le « croque-mitaine » sont des exemples de la manière dont les croyances et les pratiques funéraires du passé ont laissé des traces durables dans la mémoire collective et dans la langue française. D’autres expressions courantes, telles que « passer l’arme à gauche », « casser sa pipe » ou « manger les pissenlits par la racine », témoignent de la fascination et de l’angoisse que la mort suscite encore aujourd’hui.

Le « croque-mort » est une figure emblématique et énigmatique qui trouve ses origines dans les croyances et les rituels funéraires du Moyen-âge. L’appellation « croque-mort » fait référence à la pratique consistant à mordre les morts pour s’assurer de leur décès, en réponse à la peur de la catalepsie et des morts-vivants. Bien que le métier de croque-mort ait évolué au fil des siècles, l’appellation est restée ancrée dans la langue française et dans la mémoire collective, où elle continue d’inspirer curiosité, fascination et crainte. Le « croque-mort » est ainsi un témoignage vivant de la manière dont les croyances et les superstitions du passé peuvent perdurer et se transformer au gré des époques et des cultures.

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