Pourquoi dit-on « passer l’arme à gauche » ? Une expression française décryptée

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Les expressions françaises sont nombreuses et souvent étonnantes.

L’une d’entre elles, « passer l’arme à gauche », est particulièrement intrigante.

Utilisée pour signifier la mort d’une personne, elle soulève plusieurs questions : d’où vient-elle ?

Quel est le lien entre l’arme, la gauche et la mort ?

Nous allons décortiquer cette expression pour en comprendre les origines, les usages et les évolutions.

Nous découvrirons ainsi les différentes théories qui entourent son apparition et sa signification, ainsi que son usage au fil du temps et dans la littérature.

Enfin, nous aborderons les expressions similaires et les variantes que l’on peut rencontrer dans d’autres langues et cultures.

Origines et théories sur l’expression « passer l’arme à gauche »

Pour commencer, intéressons-nous aux origines de cette expression. Il existe plusieurs théories sur la manière dont cette locution est apparue et s’est répandue dans la langue française. Certaines d’entre elles sont liées à l’histoire militaire, tandis que d’autres font référence à la religion ou aux superstitions populaires.

Tout d’abord, l’une des explications les plus courantes fait référence au maniement des armes dans les armées de l’Ancien Régime. En effet, à cette époque, les soldats utilisaient des mousquets, des armes à feu lourdes et encombrantes. Pour recharger leur mousquet, ils devaient passer l’arme de la main droite à la main gauche, un geste qui les rendait vulnérables à l’ennemi. De plus, le côté gauche étant généralement associé à la maladresse et à la faiblesse, « passer l’arme à gauche » signifierait alors mourir au combat, fauché par l’adversaire en plein effort de rechargement.

Une autre explication possible trouve ses racines dans la religion chrétienne. Selon cette théorie, l’expression « passer l’arme à gauche » ferait référence au passage de la vie terrestre à la vie éternelle. En effet, dans la tradition chrétienne, le côté gauche est souvent associé au mal et à la mort, tandis que le côté droit symbolise le bien et la vie. Ainsi, passer de la droite à la gauche serait un passage obligé pour accéder à l’au-delà, et donc à la mort.

Enfin, une troisième théorie fait appel aux superstitions populaires concernant le mauvais œil et la malchance. Selon cette interprétation, « passer l’arme à gauche » serait une manière d’évoquer la mort sans la nommer directement, afin de ne pas attirer le mauvais sort sur soi ou sur ses proches. Cette explication rappelle d’autres expressions qui utilisent des détours pour parler de la mort, comme « rejoindre les étoiles » ou « aller ad patres ».

Usage, évolution et permanence de l’expression

Au-delà de ses origines, l’expression « passer l’arme à gauche » s’est inscrite dans la langue française et a traversé les siècles jusqu’à aujourd’hui. Son usage s’est ainsi diversifié et adapté aux contextes et aux époques, tout en conservant son sens initial lié à la mort.

  1. Dans la littérature : « Passer l’arme à gauche » apparaît dès le XVIIe siècle chez des auteurs comme Molière ou La Fontaine, témoignant de sa popularité et de son ancrage dans la langue de l’époque. Elle est présente dans les écrits de Balzac, Zola ou encore Maupassant au XIXe siècle, signe de sa pérennité et de sa capacité à traverser les âges.
  2. Dans le langage courant : L’expression est employée dans la vie quotidienne pour évoquer la mort de manière détournée et parfois humoristique. Elle peut être utilisée pour parler d’un décès récent ou lointain, d’une personne connue ou inconnue, et ce dans diverses situations : conversation entre amis, récit de faits divers, etc.
  3. Dans les médias : « Passer l’arme à gauche » se retrouve dans les médias, où elle peut être utilisée pour annoncer la mort d’une personnalité publique, évoquer un événement tragique ou souligner l’ampleur d’une catastrophe. Elle permet ainsi d’aborder un sujet grave avec un certain recul et une pointe d’ironie, ce qui est souvent apprécié des lecteurs et des auditeurs.

Malgré les évolutions de la langue et l’apparition de nouvelles expressions, « passer l’arme à gauche » reste ainsi un moyen privilégié pour parler de la mort en français, témoignant de sa force symbolique et de son ancrage culturel.

Expressions similaires et variantes internationales

Si l’expression « passer l’arme à gauche » est propre à la langue française, il existe néanmoins des expressions similaires dans d’autres langues et cultures qui évoquent la mort de manière détournée. Ces expressions témoignent de la diversité des manières de parler de la mort à travers le monde et des points communs qui peuvent exister entre les différentes traditions.

  • En anglais : L’expression « to kick the bucket » (littéralement « donner un coup de pied au seau ») est couramment utilisée pour signifier la mort. Elle serait issue d’une ancienne méthode consistant à pendre un condamné en le faisant monter sur un seau, puis en le renversant.
  • En espagnol : On utilise l’expression « estirar la pata » (littéralement « étirer la patte ») pour parler de la mort. Cette expression trouve son origine dans l’observation des animaux, qui tendent souvent leurs membres juste avant de mourir.
  • En allemand : L’expression « den Löffel abgeben » (littéralement « rendre la cuillère ») est employée pour parler de la mort. Son origine est incertaine, mais elle pourrait être liée à la tradition médiévale de rendre les objets empruntés avant de mourir, ou simplement à l’idée que l’on ne peut plus manger lorsque l’on est mort.
  • En italien : On dit « tirare le cuoia » (littéralement « tirer les peaux ») pour évoquer la mort. Cette expression provient probablement des métiers du cuir, où l’on tirait les peaux pour les assouplir et les rendre utilisables, avant de les « abandonner » en les laissant sécher.

Outre ces expressions internationales, il existe des variantes françaises de « passer l’arme à gauche » qui peuvent être employées pour parler de la mort. Parmi celles-ci, on trouve notamment :

  • « Casser sa pipe » : Cette expression, apparue au début du XXe siècle, fait référence à la pipe que l’on brise symboliquement pour signifier la fin de la vie. Elle peut être utilisée dans un contexte plus familier ou pour parler de la mort de manière humoristique.
  • « Manger les pissenlits par la racine » : Cette expression imagée suggère l’idée que l’on se trouve sous terre, nourrissant les plantes par la racine à la suite de notre mort. Elle est souvent employée pour aborder la mort avec légèreté et dérision.
  • « Rejoindre le grand architecte » : Cette expression, empruntée au lexique maçonnique, désigne le fait de retourner auprès de Dieu (le « Grand Architecte de l’Univers ») après la mort. Elle peut être utilisée pour parler de la mort de manière poétique et spirituelle.

L’expression « passer l’arme à gauche » témoigne de la richesse et de la diversité de la langue française, ainsi que de la manière dont les locuteurs abordent et appréhendent la mort à travers le temps et les cultures. Si ses origines demeurent incertaines, cette expression a su traverser les siècles et s’adapter aux contextes et aux évolutions de la société. Aujourd’hui encore, elle demeure un moyen privilégié pour parler de la mort avec détachement, ironie ou poésie, et fait écho aux expressions similaires que l’on peut rencontrer dans d’autres langues et traditions.

Ainsi, en décryptant l’expression « passer l’arme à gauche », nous avons pu explorer à la fois l’histoire de la langue française, les usages et les croyances de ses locuteurs, et la manière dont la mort est appréhendée et évoquée à travers le monde. Cette analyse nous invite à porter un regard curieux et attentif sur les expressions que nous utilisons au quotidien, et à toujours chercher à en comprendre les mécanismes et les enjeux culturels sous-jacents.

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