Le mystère du ‘@’ : pourquoi cet étrange symbole est-il devenu si incontournable ?

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Le ‘@’, aussi appelé arobase, est un symbole que nous utilisons quotidiennement dans nos adresses électroniques et sur les réseaux sociaux.

Pourtant, savez-vous d’où il vient et pourquoi il occupe une place si importante dans notre vie numérique ?

Cet article se propose de lever le voile sur cet énigmatique caractère, en explorant ses origines, ses différentes appellations et ses multiples usages dans la langue française et à travers le monde.

Plongée dans l’histoire du ‘@’

Avant de devenir le symbole incontournable des adresses électroniques, le ‘@’ a traversé les siècles et les cultures, et a revêtu de nombreuses significations.

Les origines du ‘@’ remontent à l’Antiquité, où il était utilisé par les Grecs et les Romains comme une abréviation du mot « ad », qui signifie « à » ou « vers » en latin. À cette époque, le symbole avait une forme plus proche de la lettre « a » ou du chiffre « 9 ». Il a ensuite évolué au fil des siècles, en passant par différentes civilisations et en empruntant de multiples formes.

C’est au Moyen Âge que le ‘@’ a pris sa forme actuelle, avec la fusion des deux lettres « a » et « d » en un seul caractère. Il était alors utilisé dans les manuscrits pour représenter le mot « ad », ainsi que dans le domaine de la comptabilité pour exprimer des quantités, des prix ou des poids. Par exemple, on pouvait lire « 10 @ 50 » pour indiquer « 10 unités à 50 pièces chacune ».

Le ‘@’ a connu une véritable renaissance au 20e siècle, grâce à l’apparition des machines à écrire et des ordinateurs. Il a d’abord été intégré au clavier américain standard, puis s’est répandu dans le monde entier avec la popularisation de l’informatique et d’Internet. Aujourd’hui, on le retrouve sur tous les claviers et il est devenu un symbole universel de la communication électronique.

Le ‘@’ à l’ère du numérique : un symbole de communication

Le véritable tournant dans l’histoire du ‘@’ est survenu en 1971, lorsque Ray Tomlinson, ingénieur américain et pionnier de l’Internet, l’a choisi pour concevoir le premier système de messagerie électronique.

  1. Le choix du ‘@’ pour les adresses électroniques : Ray Tomlinson avait besoin d’un symbole pour séparer le nom de l’utilisateur et celui du serveur dans les adresses électroniques. Il a opté pour le ‘@’, car ce caractère n’était pas utilisé dans les noms propres et ne risquait pas de créer de confusion. De plus, il avait l’avantage d’être présent sur tous les claviers américains. Ainsi est née la première adresse électronique : « utilisateur@serveur ».
  2. L’adoption du ‘@’ dans les réseaux sociaux : Avec l’essor des réseaux sociaux, le ‘@’ a trouvé une nouvelle utilité : mentionner un utilisateur dans une publication ou un commentaire. Cette pratique, inaugurée par Twitter en 2006, a été rapidement adoptée par d’autres plateformes, comme Instagram, Facebook ou LinkedIn. Aujourd’hui, le ‘@’ est devenu un symbole de l’interconnexion et de l’interaction entre les internautes.
  3. Le ‘@’ comme marqueur d’identité en ligne : En plus de son usage dans les adresses électroniques et les réseaux sociaux, le ‘@’ est parfois utilisé pour identifier un pseudonyme ou un nom d’utilisateur, notamment dans les forums de discussion ou les jeux en ligne. Ce symbole permet ainsi de marquer une distinction entre l’identité réelle et l’identité virtuelle de l’internaute.

Des appellations variées pour un symbole universel

Le ‘@’ est connu sous de multiples noms à travers le monde, témoignant de sa richesse et de sa complexité. En voici quelques exemples :

  • Arobase en français : Le terme « arobase » est le plus couramment utilisé en France pour désigner le ‘@’. Il est apparu au 16e siècle, dérivé du mot « arrobe », une unité de mesure espagnole. Le symbole ‘@’ était alors utilisé pour représenter cette unité dans les documents commerciaux.
  • At sign en anglais : En anglais, le ‘@’ est souvent appelé « at sign » ou simplement « at », en référence à son utilisation originelle en tant qu’abréviation du mot latin « ad ».
  • Chiocciola en italien : En Italie, le ‘@’ est surnommé « chiocciola », qui signifie « escargot » en français. Cette appellation fait référence à la forme en spirale du symbole, qui évoque la coquille d’un escargot.
  • Ät en suédois : Les Suédois appellent le ‘@’ « kanelbulle » ou « ät », qui signifie « rouleau à la cannelle » et « à » respectivement. La première appellation fait référence à la forme en spirale du symbole, tandis que la seconde est liée à son usage en tant qu’abréviation du mot « ad ».

Le ‘@’ et la langue française : une relation complexe

Si le ‘@’ est aujourd’hui largement répandu et reconnu, son utilisation dans la langue française n’a pas toujours été évidente. En effet, certains défis et débats ont émergé au fil du temps :

D’abord, le statut grammatical du ‘@’ est sujet à controverse. Certains linguistes estiment qu’il s’agit d’une préposition, en raison de son sens originel d' »à » ou « vers ». D’autres considèrent qu’il s’agit plutôt d’un signe diacritique, puisqu’il ne possède pas de fonction grammaticale propre et qu’il est utilisé pour modifier ou préciser la signification d’autres éléments du texte. Cette question reste ouverte et fait l’objet de discussions parmi les spécialistes de la langue française.

Ensuite, le genre de l’arobase a été source de débats. En effet, certains considèrent que le mot « arobase » est féminin, en se basant sur l’ancienne unité de mesure « arrobe » dont il est issu. D’autres estiment qu’il est masculin, en s’appuyant sur la proximité phonétique avec le mot « arobat », qui désigne un jongleur ou un acrobate. Finalement, l’Académie française a tranché en faveur du genre masculin en 2017, en inscrivant le mot « arobase » dans son dictionnaire sous cette forme.

Enfin, l’usage du ‘@’ dans l’écriture inclusive a suscité de vives polémiques. Depuis quelques années, certains francophones utilisent le ‘@’ pour englober les deux genres dans un même mot, comme dans « ami.e.s@ », « collègues@ » ou « tou.te.s@ ». Cette pratique, visant à promouvoir l’égalité entre les sexes et à lutter contre les stéréotypes de genre, a été critiquée par de nombreux puristes et a fait l’objet de débats passionnés. L’Académie française, gardienne de la langue, a quant à elle dénoncé cette pratique en 2017, estimant qu’elle porte atteinte à la lisibilité et à la compréhension de la langue française.

Au-delà de ces controverses, le ‘@’ a inspiré de nouvelles expressions et de nouveaux mots dans la langue française, témoignant de sa capacité d’adaptation et de son influence sur notre manière de communiquer. Ainsi, on parle parfois de « arrobase » pour désigner une adresse électronique, ou d' »arrobasage » pour évoquer l’envoi d’un courriel à un grand nombre de destinataires. De même, le verbe « arrober » a fait son apparition pour signifier l’action de mentionner quelqu’un sur les réseaux sociaux à l’aide du ‘@’.

Le ‘@’, symbole à la fois ancien et moderne, a traversé les époques et les cultures, en acquérant de nouvelles significations et en s’adaptant aux évolutions de notre société. Que l’on parle d’arobase, d’at sign ou de chiocciola, cet énigmatique caractère est désormais indissociable de notre vie numérique et témoigne de notre besoin de communiquer, d’échanger et de se relier les uns aux autres. Malgré les défis et les débats qu’il suscite, le ‘@’ continue de marquer notre langage et notre imaginaire, et incarne à sa manière la richesse et la diversité de la langue française.

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