La lapalissade : pourquoi une évidence est-elle si souvent qualifiée ainsi ?

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Vous est-il déjà arrivé de vous exclamer « C’est une lapalissade !» en entendant une phrase si évidente qu’elle en paraît ridicule ?

En tant que spécialiste de la langue française, il m’est apparu intéressant d’explorer en profondeur les racines et les raisons de cette expression intrigante.

Nous allons ainsi nous pencher sur l’origine et l’évolution de cette locution, avant d’analyser les raisons pour lesquelles elle est si fréquemment employée pour qualifier une évidence.

Au fil des lignes, vous découvrirez en quoi la lapalissade est liée à diverses formes d’humour et comment elle s’inscrit dans notre quotidien, que ce soit à travers la littérature, le langage courant ou même la philosophie.

Alors, prêt à plonger dans l’univers passionnant des lapalissades et à percer leurs secrets ?

Origines et histoire de la lapalissade

Pour comprendre ce qu’est une lapalissade, il est essentiel de revenir à l’origine de cette expression. C’est en effet en remontant le fil de l’histoire que nous pourrons saisir pourquoi une évidence est souvent qualifiée ainsi.

  1. Le personnage historique : La lapalissade tire son nom de Jacques II de Chabannes, seigneur de La Palice. Né en 1470 et mort en 1525, ce noble français fut maréchal de France sous les règnes de Louis XII et François Ier. Il se distingua notamment lors des batailles de Ravenne et de Marignan.
  2. L’épigramme funèbre : À la mort de La Palice, un monument funéraire fut érigé en son honneur. Sur sa tombe, on pouvait lire une épigramme latine qui, traduite en français, disait : « Ci-gît le Seigneur de La Palice : s’il n’était pas mort, il ferait encore envie. » L’expression « s’il n’était pas mort » fut par la suite modifiée en « s’il vivait encore », ce qui donna naissance à une première forme de lapalissade.
  3. La chanson populaire : Au XVIe siècle, une chanson satirique intitulée « La complainte du Seigneur de La Palice » fut composée en son honneur. Les couplets de cette chanson, destinée à être chantée par les soldats, reprenaient des phrases évidentes et tautologiques, donnant ainsi naissance à la lapalissade telle que nous la connaissons aujourd’hui.
  4. L’entrée dans la langue française : Au fil des siècles, l’expression « lapalissade » s’est intégrée dans le langage courant pour désigner une évidence ou une vérité triviale. Elle est désormais synonyme de « pléonasme » ou de « truisme ».

Caractéristiques et variantes de la lapalissade

Une lapalissade, pour être véritablement qualifiée comme telle, doit répondre à certaines caractéristiques bien précises. De plus, il existe différentes variantes de cette figure de style, chacune ayant ses particularités.

  • La tautologie : La lapalissade est avant tout une tautologie, c’est-à-dire une répétition inutile d’une idée déjà exprimée. Par exemple, dire « il pleut de la pluie » est une lapalissade, car le verbe « pleuvoir » implique déjà la présence de pluie.
  • Le pléonasme : La lapalissade peut prendre la forme d’un pléonasme, qui consiste à ajouter un mot ou une expression superflus pour renforcer l’idée exprimée. Ainsi, dire « monter en haut » est une lapalissade, car le verbe « monter » implique déjà un mouvement vers le haut.
  • Le truisme : Enfin, la lapalissade peut être un truisme, c’est-à-dire une affirmation tellement évidente qu’elle en devient inutile à énoncer. Par exemple, dire « une pomme est un fruit » est une lapalissade, car il s’agit d’une information connue de tous.

La lapalissade dans la littérature et l’art

Les lapalissades ne se limitent pas au langage courant : elles sont présentes dans la littérature, le cinéma ou encore le théâtre. Ces différents domaines artistiques tirent parti de l’aspect humoristique et absurde de ces évidences pour provoquer le rire ou susciter la réflexion chez le spectateur ou le lecteur.

  1. Dans la littérature : Des auteurs tels que Molière, Rabelais ou encore Raymond Queneau ont utilisé la lapalissade dans leurs œuvres pour créer des situations comiques ou pour dénoncer l’absurdité de certaines situations. Par exemple, dans « Les Fourberies de Scapin », Molière fait dire à l’un de ses personnages : « Que diable allait-il faire dans cette galère ? », une lapalissade qui souligne l’incongruité de la situation.
  2. Au cinéma : Le cinéma, notamment le cinéma comique, fait usage de lapalissades pour provoquer le rire. On peut citer, par exemple, le film « La Cité de la peur » des Nuls, dans lequel un personnage, interprété par Alain Chabat, déclare : « Il y a anguille sous roche… et je n’aime pas les anguilles sous roche. »
  3. Au théâtre : Le théâtre, en particulier le genre de la comédie, est un terrain fertile pour l’utilisation de lapalissades. Les auteurs de pièces humoristiques, tels que Georges Feydeau, Sacha Guitry ou encore Eugène Ionesco, ont souvent recours à cette figure de style pour créer des dialogues absurdes et comiques, qui soulignent l’incohérence des situations et des personnages.

La lapalissade dans notre quotidien et la philosophie

Bien que la lapalissade puisse être perçue comme une simple figure de style amusante, elle peut avoir une portée philosophique, en interrogeant notre rapport à la vérité, à la logique et à la pensée. Par ailleurs, la lapalissade est présente dans notre quotidien, que ce soit dans nos conversations informelles ou dans certaines expressions idiomatiques.

  • La lapalissade et la vérité : Une lapalissade, par sa trivialité et son caractère évident, peut remettre en question notre rapport à la vérité et à la connaissance. En effet, en mettant en évidence des informations que nous tenons pour acquises, elle nous invite à réfléchir sur la manière dont nous construisons notre savoir et sur les limites de notre compréhension du monde.
  • La lapalissade et la logique : La lapalissade peut être vue comme une illustration de l’incohérence et de l’absurdité qui peuvent résulter de l’application stricte de la logique. En soulignant l’évidence d’une affirmation, elle met en lumière les failles et les paradoxes inhérents à notre pensée et à notre langage.
  • La lapalissade dans le langage courant : La lapalissade est souvent employée dans nos conversations quotidiennes, que ce soit de manière consciente ou inconsciente. Certaines expressions idiomatiques, telles que « dormir comme un loir » ou « courir comme un dératé », contiennent ainsi des lapalissades qui renforcent l’idée exprimée et accentuent l’effet comique ou ironique.

La lapalissade est une expression riche et complexe, qui ne se résume pas à une simple figure de style humoristique. Derrière son apparence triviale et évidente, elle cache en réalité une profondeur philosophique et une capacité à interroger notre rapport au langage, à la vérité et à la pensée. En explorant les origines, les caractéristiques et les différentes manifestations de la lapalissade, cet article a ainsi permis de mettre en lumière les raisons pour lesquelles une évidence est si souvent qualifiée de « lapalissade ».

Que ce soit dans la littérature, l’art, la philosophie ou notre quotidien, la lapalissade demeure une figure de style aussi universelle qu’intrigante, qui continue de fasciner et de faire réfléchir. Alors, la prochaine fois que vous entendrez ou prononcerez une lapalissade, prenez le temps de vous arrêter sur son sens, son histoire et sa portée, et laissez-vous surprendre par la richesse de cette expression si singulière.

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